En cette fin septembre, l’équipe REUNIONNAISES souhaite mettre en avant un sujet encore bien trop tabou : les douleurs chroniques. A cet effet, nous avons sollicité vos témoignages.
Depuis 2001, le mois de septembre est dédié à la douleur mais il faut bien déplorer que ce sujet n’ait pas encore toute la place qu’il mérite parmi les sujets de société. La Haute Autorité de Santé (HAS) estime que la douleur entre dans le champ de la douleur chronique lorsqu’elle persiste et évolue depuis plus de 3 mois ou devient récurrente. La douleur chronique, qu’elle provienne d’une condition diagnostiquée ou non répond insuffisamment au traitement et entraîne une détérioration significative et progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient dans ses activités journalières. En effectuant une recherche rapide, on trouve des statistiques aussi différentes que plus de 12 millions de français (Société française d’étude et de traitement de la douleur) ou plus de 20 millions de français (Agence France Presse) souffrant de douleurs dites chroniques. Une chose est sure, entre l’errance diagnostique et la peur de ne pas être cru, on comprend mieux cet écart statistique.
Douleurs chroniques, un perpétuel inconfort
Ce qui est frappant à la lecture des témoignages de Réunionnaises récoltés, c’est la diversité des types de douleurs décrites : mal de dos, migraines, douleurs gynécologiques, etc. Il semble par ailleurs que la chronicité ne soit pas le seul problème mais qu’il y ait parfois une certaine accumulation de douleurs. Encore plus interpellant, tous les témoignages font état d’une douleur constante avec différents niveaux d’intensité. Sur une échelle de 1 à 10, les moments de « crise » se situent entre 6 et 8 mais personne n’est jamais en dessous de 3. Pour information, l’échelle de la douleur se décline comme suit.
Il semble alors justifié de considérer que les victimes de douleurs chroniques vivent dans un état perpétuel d’inconfort ; état qui est devenu leur nouveau zéro, leur normalité.
Cet article n’a pas vocation à énumérer des statistiques nationales ou à aborder le sujet sous un angle scientifique ou médicale. Nous avons simplement et humblement voulu donner une voix a des personnes qui très souvent taisent une douleur quotidienne bien réelle. A travers un appel à témoins, nous avons récoltés vos témoignages parce qu’il semble indispensable de donner la parole aux personnes qui vivent ce quotidien si diffèrent. Ces derniers ont été pour le moins difficile à lire tant ils étaient poignants. L’équipe est sincèrement reconnaissante à toutes les personnes qui ont bien voulu se mettre dans un espace de vulnérabilité pour donner plus de visibilité à ce sujet qui en a besoin. Un grand merci pour leur courage !
Malgré des qualificatifs tels que handicapante ou poison, la teneur générale des témoignages est plus qu’inspirante. De jeunes femmes pleines de vitalité malgré une douleur mortifère et qui comptent bien muer leur faiblesse en force. Alors, entre grimaces de douleurs et sourires d’espoir, nous vous proposons trois mini portraits au travers desquels des réunionnaises ont osés tomber les masques.
Aurélie, son combat pour devenir maman
Je suis atteinte d’endométriose sévère et profonde de stade 4 depuis l’âge de 12 ans. Au début, les douleurs se sont exprimées par de fortes coliques, des nausées, vomissements et diarrhées. Mon médecin traitant m’a envoyé à plusieurs reprises faire des échographies et radiographies pour suspicion d’appendicite mais les résultats revenaient négatifs. Donc à l’âge de 16 ans il m’a mis sous pilule et anti-inflammatoire en cas de grosses crises. La douleur s’est calmée mais pleins d’effets secondaires. Puis, en 2017 moi et mon compagnon on a ressenti l’envie de devenir parents. Donc, arrêt de la pilule et les douleurs se sont intensifiées. En 2019, après plusieurs examens (hystérographie, biopsie, hystéroscopie, scanner, IRM,…) le diagnostic a été posé. J’en ai pleuré. La radiologue a essayé de me rassurer mais je pleurais de « joie » même si je souffrais d’une maladie qui ne se guérit pas et qui est à un stade avancé, (vu le temps qu’on a pris pour me diagnostiquer), j’étais soulagée car cette souffrance n’était pas dans ma tête, je n’étais pas plus douillette que mes copines et je savais contre quoi me battre maintenant. En 2019, j’ai subi une cœlioscopie afin de tenter de « nettoyer » les adhérences et de me soulager de mes douleurs qui étaient devenues quotidiennes. Malheureusement, la maladie était plus étendue que ce que le chirurgien avait vu sur les examens. Elle était étendue sur mes intestins, mon tube digestif, les ovaires et la vessie. Sa réponse après mon opération : « il aurait été préférable pour vous d’avoir un cancer que l’endométriose ». Difficile de garder le moral et rester positive. Donc, depuis ce jour je vis avec ces douleurs plus ou moins fortes au quotidien dans tout le bas du ventre, sur les côtés et le bas du dos. Une fatigue chronique dès le réveil et jusqu’au soir. Je fais de l’hypertension donc sous traitement depuis des années. Et pendant, la période des règles se lever, marcher, uriner, manger, aller à la selle tout devient très difficile et compliqué.
J’ai pris connaissance de l’échelle de la douleur après mon premier aller-retour aux urgences le jour de mon anniversaire. Suivi de plusieurs autres allers-retours et de séjours en hospitalisation. Et à chaque fois je leur répondais que si je suis ici c’est que je suis à 11 et même plus, car je suis quelqu’un qui ne veut pas déranger et qui pense qu’il y a des malades qui ont plus besoin que moi. J’avais honte d’aller aux urgences pour des « simples » coliques car j’ai grandi en pensant cela.
Mais, heureusement ces professionnels de santé m’ont aidé à comprendre que j’étais malade même si cela ne se voyait pas, ils me croyaient. Et j’avais autant le droit que quelqu’un d’autre d’être soulagée. En dehors de ces allers-retours aux urgences, au quotidien j’ai envoyé cette échelle de douleurs (voir plus haut) à mes proches afin qu’ils comprennent mieux comment je me sens chaque jour. Généralement, je suis entre 3 et 5 en prenant des antidouleurs et si je ne fais pas de gros efforts mais lors de la période des règles je suis entre 8 et plus nécessitant des antidouleurs plus puissants (morphine) mais j’ai appris à reconnaître les différentes étapes car j’ai peur de tous ces médicaments. Et cela me stresse surtout si je suis seule chez moi.
« 4 stimulations ovariennes, 3 ponctions, 6 transferts d’embryons et 2 fausses couches plus tard, beaucoup de larmes coulées, toujours pas de petit nous… »
En 2017, je suis devenue indépendante financièrement et j’ai emménagé avec mon compagnon. Nous avons eu le désir de devenir parents mais après une année toujours rien. Dans ma tête les douleurs des règles étaient « normales », alors j’ai juste consulté le gynécologue afin de savoir si tout allait bien pour concevoir un bébé. Après plusieurs examens le diagnostic est tombé, malheureusement beaucoup de temps était passé et je n’étais plus si « jeune » à entendre les médecins. Donc, on nous a orientés vers la PMA si je voulais avoir une chance de tomber enceinte. Mais, 4 stimulations ovariennes, 3 ponctions, 6 transferts d’embryons et 2 fausses couches plus tard et beaucoup de larmes coulées, toujours pas de petit nous…
Au quotidien, je ne vis plus comme avant. Je ne peux plus travailler car même si je reste assise pendant des heures (je suis Assistante de Direction) c’est très difficile. Conduire est dangereux car je prends des antidouleurs qui me font somnoler. Planifier une sortie est compliqué car je ne sais pas si ce jour-là je vais être capable de me lever et avoir la force de sortir. Combien de sorties annulées? De réunions de famille manquées? De CDD non renouvelé? Et ceux malgré les bons retours à propos de mon travail. Ma douleur est un poison qui ne me tue pas au sens propre mais qui me ronge de l’intérieur peu à peu, qui détruit à chaque échec un peu plus mon rêve de devenir maman. Elle me rappelle, tous les jours, quand je respire que cette maladie est bien installée dans mon corps, que je ne peux rien y faire car il n’y a toujours pas de traitement pour guérir cette souffrance.
Un quotidien qui doit s’adapter aux douleurs
Afin de minimiser son impact au quotidien, j’ai changé mes habitudes alimentaires. Après quelques recherches, à la place de tous ces médicaments, j’essaye de trouver des traitements naturels (homéopathie, huiles essentielles, etc.) grâce aux conseils de mon médecin et des pharmaciens, je me rends trois fois par semaine à des séances de kinésithérapie. Enfin, pour mon bien être psychique j’ai décidé de consulter un professionnel (un psychiatre) afin de me soutenir et de pouvoir parler à quelqu’un de neutre.
Alors que je pensais que j’étais une personne forte, ma vie a changé avec ces douleurs chroniques. Je ne peux pas prévoir si je vais être en forme, difficile de planifier des sorties mais annuler, s’expliquer et s’excuser n’est pas toujours évident. On se sent gêné et souvent triste de ne pas pouvoir faire ce qu’on voudrait faire. On sent que ce n’est plus nous qui choisissons mais c’est notre corps qui décide !
Mes douleurs chroniques ont changé ma façon de voir la vie.
Depuis petite j’avais envisagé ma vie future : obtenir mon bac, avoir mon permis du premier coup, continuer mes études, avoir un travail que j’aime, me marier, avoir mon chez moi, devenir maman… et aujourd’hui ma vie ne se passe plus comme je l’avais imaginée. Je ne peux rien y changer. Moi qui aime tout contrôler, je ne suis plus pilote de ma vie. Et c’est très dur à accepter. Il me reste juste à prendre chaque jour comme il vient. Dès que j’ouvre mes yeux le matin je sais d’emblée si ça va être une journée avec ou sans trop de fatigue, avec ou sans grosses douleurs, avec ou sans larmes de tristesse. Mais une chose est sûre, je vais toujours me réveiller avec ma maladie : l’endométriose.
Une Réunionnaise anonyme
« Je souffre de maux de têtes régulier, de douleurs au bas du dos, de douleurs au niveau de mes genoux. Mes maux de tête sont parfois si intenses (entre 8 et 10 sur l’échelle de la douleur) que je me mets à hurler et pleurer. J’ai déjà prié et demander à mourir tellement la douleur était insupportable.
Mes maux de tête ont longtemps été attribués à des problèmes de vue et on m’a fait porter des lunettes. On s’est seulement rendu compte en début de cette année que ça ne provenait pas de la vue mais après plusieurs IRM, rien n’a été trouvé.
J’ai pris l’habitude d’avoir un stock de Doliprane à la maison pour me soulager comme je peux. Quand on vit avec au quotidien on prend sa pour habitude et au final, ça fini par passé. On trouve des techniques pour apaiser les douleurs c’est tout ce qu’on peut faire.
A cause de mes douleurs chroniques au dos et aux jambes, je ne peux plus exercer de métier debout. J’avais un diplôme dans la vente et je me retrouve à devoir me former dans autre chose qui ne nécessite pas de position debout. Ça a été un coup dur pour moi au début parce que j’avais l’impression de devenir comme handicapé. Mais j’ai vite rebondi pour trouver autre chose. Quant à ma douleur chronique à la tête, j’ai du mal à rester concentré et je fatigue beaucoup plus vite. Pour le moment, ça ne me gêne pas au travail et j’espère que ça n’arrivera pas à ce stade.
La douleur au quotidien fait voir la vie autrement dans le sens où tu dois rebondir et réfléchir à un plan de secours au cas où la douleur prendrait le dessus. Mais il suffit d’avoir la force, le mental et garder le sourire dans ce genre de situation sinon on a vite tendance à vouloir baisser les bras et se laisser aller parce que ça n’a pas l’air comme ça, mais à supporter au quotidien parfois c’est difficile.
Si je peux donner un conseil, faite un bilan chaque année et à la moindre douleur consultez. On ne sait jamais ce qui se cache réellement derrière le moindre petit truc. J’ai été négligente envers les signaux que mon corps m’envoyait et à l’heure actuelle j’ai l’impression d’avoir le corps d’une personne âgée alors que je suis encore dans la vingtaine. »
Fanny, des bijoux et de l’indulgence envers soi
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« Je souffre de douleurs digestives chroniques depuis maintenant 9 ans. En 2005, on m’a diagnostiqué la maladie de Crohn, une maladie inflammatoire de l’intestin, qui est à l’origine de ces douleurs quotidiennes. Il a fallu 3 semaines de douleurs intenses et des examens médicaux pour poser le diagnostic.
Aujourd’hui, la douleur fait partie de moi… Je vis avec, c’est normal pour moi aujourd’hui. Mais il m’a fallu beaucoup de temps et un gros travail sur moi pour l’accepter.
Après de nombreux mois de démarches, j’ai adapté ma situation professionnelle. Je travaille de chez moi, quand je peux, sans contrainte d’horaire car c’est ce qui était le plus difficile à gérer au quotidien. Travailler avec la douleur, j’étais dans le commerce, donc je me devais d’être souriante et accueillante en toute circonstance. C’était épuisant, et très difficile physiquement et moralement. J’ai donc dû abandonner un travail que j’aimais… J’ai beaucoup de mal à programmer des choses, de peur de devoir les annuler au dernier moment, comme c’est déjà arrivé de nombreuses fois. Heureusement ma famille et mes amis proches sont au courant et s’adaptent, mais ce n’est pas simple pour moi de ne pas savoir dans quel état je serais pour un événement, sortie, repas, activité….
La douleur a changé ma façon de voir la vie. Je me suis laissée tranquille pour des choses secondaires, des complexes inutiles… Je mesure mieux l’importance de certaines choses, des petits bonheurs simples. Je vis plus le moment présent et sais l’apprécier. Je me suis aussi rendu compte que dans des situations difficiles, il ressort toujours quelque chose de bon. Une rencontre, une décision, une situation qui évolue… L’expression « un mal pour un bien » prend son sens. En ce qui concerne ma vie professionnelle, c’était un crève-cœur pour moi de perdre mon boulot, de finalement accepter que la maladie allait gagner ce combat. Mais au final, avec du temps et de la résilience, j’ai su rebondir, et me suis consacrée à quelque chose que j’aimais encore plus que le commerce, la création… Aujourd’hui j’ai créé mon entreprise et je vis de ma passion. Ce n’est pas simple d’être patient lorsqu’on vit des moments difficiles…. Mais c’est important d’essayer d’être positif !!!
Je rajouterai simplement qu’il faut savoir accepter sa situation, même si elle est différente de ce qu’on avait imaginé… Et y trouver du bon, car même si on est limité dans ce qu’on aimerait faire, et que c’est frustrant, on peut trouver des choses qui nous rendent heureux et qui permettent de moins focaliser sur la douleur.
Il faut aussi savoir être indulgent avec soi-même, et reconnaître la force qu’on a de vivre avec de grands ou petits obstacles.
Et surtout, savoir mesurer les bonheurs du quotidien, les bons moments en famille et entre amis, les choses simples que la vie nous offre…. »
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