La question mérite d’être posée : doit-on vraiment continuer à objectiser le corps des femmes pour vendre ?
Depuis toujours, la publicité et certains médias jouent sur cette ficelle. On exhibe des silhouettes féminines, sexualisées à outrance, pour promouvoir à peu près tout et n’importe quoi : des voitures aux boissons, en passant par des produits ménagers. Bien sûr, certains articles sont conçus pour le corps féminin, mais le problème réside dans la manière de les mettre en scène : des poses suggestives, des regards appuyés, une mise en scène pensée non pas pour mettre en valeur les femmes, mais pour capter le regard masculin ou faire croire qu’en achetant ce produit, chaque femme pourra incarner cette “séduction”.
Si les choses tendent à changer mondialement, il faut reconnaître que ce phénomène persiste encore. Les campagnes publicitaires locales ou nationales utilisent encore ces codes éculés pour vendre des produits de mode, de beauté, de consommation… comme si la seule manière de parler au public féminin était de sexualiser sa représentation. Ce travers, on le retrouve aussi chez certains photographes qui inondent Instagram de clichés lascifs. Des femmes en maillot ou en lingerie, souvent dans des poses irréalistes, photographiées sous l’objectif (majoritairement) masculin.
La bouche légèrement ouverte : un symbole d’érotisme et de vulnérabilité maîtrisée
Ce détail anodin en apparence, largement répandu dans les campagnes de mode et de beauté, est en réalité une posture étudiée et porteuse de sens. Ouvrir légèrement la bouche sur une photo n’est pas un hasard, mais un geste conçu pour provoquer une réaction émotionnelle précise.
Pourquoi cette posture « fascine »-t-elle autant ?
La bouche entrouverte évoque plusieurs choses à la fois :
1.Sensualité et érotisme subtil : Une bouche légèrement ouverte suggère un certain abandon, une vulnérabilité maîtrisée. Elle peut rappeler des expressions associées à la séduction ou au plaisir, jouant sur des codes inconscients qui attirent l’attention et provoquent l’envie.
2.Dynamisme et mouvement : Contrairement à une bouche fermée ou figée, l’ouverture subtile donne une impression de spontanéité ou d’action suspendue, comme si le modèle venait de parler ou de respirer. Cela rend l’image plus vivante.
3.Normes de la culture visuelle : Les photographes et les marques adoptent cette pose parce qu’elle a été codifiée au fil du temps comme étant esthétiquement plaisante. Elle s’est imposée comme un standard dans l’imagerie commerciale, notamment pour des produits liés à la beauté ou à la mode.
Un geste qui va au-delà de la mode
La bouche entrouverte, autrefois réservée aux campagnes haut de gamme, s’est démocratisée avec les réseaux sociaux. Aujourd’hui, cette pose est omniprésente, reprise dans les selfies et les photos d’amateurs. Mais derrière ce geste, il y a une standardisation des codes de la sensualité, souvent au service d’une intention marketing.
En fin de compte, cette posture interroge sur la manière dont les gestes et expressions féminines sont façonnés pour répondre à des attentes, souvent dictées par le regard masculin… Est-ce une simple coquetterie photographique ou une manière insidieuse d’objectifier encore davantage les corps ? À chacun de juger, mais ce “petit détail” nous rappelle combien les codes visuels, même les plus subtils, participent à la construction de l’image de la femme dans nos sociétés.
Une “liberté” détournée
Ne vous méprenez pas : chaque personne a le droit de disposer de son corps comme elle l’entend. Si poser en bikini ou dans des tenues audacieuses permet à certaines de se sentir fortes et belles, c’est parfaitement légitime. Mais ce qui dérange profondément, c’est la manière dont cette liberté est exploitée. Loin d’être un choix autonome et conscient, il s’agit souvent d’un outil utilisé pour maintenir une forme de domination ou pour flatter l’ego de certains.
Car derrière l’objectif se cache une réalité parfois bien moins glamour. Les “photographes amateurs”, souvent des hommes, se permettent d’approcher des femmes sous prétexte de “projets artistiques”. On promet des shootings sophistiqués, et très vite, l’intention se dévoile : des clichés en petite tenue, seuls à seuls, dans un studio ou un lieu isolé. Ces expériences laissent un goût amer et soulèvent une question fondamentale : pourquoi cette obsession de photographier les femmes dans une nudité ou une vulnérabilité suggérée ?
Normalisons une autre vision de la beauté
Il est temps de briser ces schémas. Nous ne devrions pas avoir besoin de poser en bikini sur une plage, dos cambré et fesses en l’air, pour mériter d’être considérées belles. Et si cela fait partie d’une démarche personnelle, alors que ce soit dans un cadre où les femmes elles-mêmes dictent les règles, choisissent leur mise en scène et, pourquoi pas, prennent les photos elles-mêmes.
À travers cette réflexion, il ne s’agit pas de condamner les choix individuels, mais de questionner un système. Un système où l’image féminine reste un appât, une monnaie d’échange au service des marques et des ego masculins. En tant que femmes, à La Réunion comme ailleurs, nous avons le droit de réclamer des représentations qui reflètent réellement notre diversité et notre force.
Et vous, qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à partager vos ressentis sur ce sujet qui nous concerne toutes et tous.