Alice Rangayen est maître artisan fleuriste. Basée à Toulouse, la réunionnaise a sauté la mer il y a maintenant dix ans pour poursuivre des études classiques qui se solderont par une révélation beaucoup plus créative, beaucoup plus ancrée. Aujourd’hui Alice a trouvé sa mission de vie, vivre des fleurs, les travailler, les mettre en avant dans des compositions dont elle seule a le secret.
On a voulu en savoir plus sur le ti bout de fanm derrière l’enseigne JUNGLE UTOPIA.
Rencontre !
RÉUNIONNAISES LE MAG – Hello Alice peux-tu te présenter aux lectrices en quelques mots ?
Alice – Je suis Alice, électron de 30 ans, passionnée par les fleurs et les formes libres. Born & raised à Ter Sint’ mon quartier de pêcheur qui malgré tous les km qui m’en sépare, reste ma première source d’inspiration. Le vent, la marée, le sel et tous les rythmes qui vont avec cette vie au bord de l’eau.
R : Globalement, peux-tu nous parler de ton parcours : d’où vient ta passion pour les fleurs ? Est-ce une passion de toujours ? une aspiration soudaine ? un lègue familial ?
A : Je suis diplômée en LEA commerce international depuis 2011 et en une décennie, bien des choses se sont passées. J’ai quitté notre île en 2008 pour ces études et n’y suis retournée que pour les vacances, de nombreuses fois depuis mon départ. Ma passion pour les fleurs est un héritage de ma mère. Héritage dormant de nombreuses années qui s’est révélé pendant mes études quand j’ai réalisé avec tous mes stages d’immersion, que je ne pipais rien au langage bureaucratique !
Un métier qui l’a appelé comme l’odeur d’un bonbon piment encore chaud
Ennui, lassitude et surtout manque de projection sur du long terme. Ma perception du travail n’a pas trouvé d’échos dans ce domaine et c’est tout bêtement en regardant le dessin animé ‘ Bee Movie ‘, que j’ai eu ma révélation. Dans cet animé, une abeille tombe amoureuse d’une fleuriste. On voit tout le côté sympa de ce métier dans le film. Les fleurs évidemment mais aussi le contact avec les gens, on y saisit l’importance d’un commerce de proximité pour les riverains. Cette vie, d’allure paisible vêtue d’un tablier à tripoter des fleurs et de l’eau toute la journée, elle m’a appelé comme l’odeur d’un bonbon piment encore chaud.
Ça serait ça mon métier !
Quand je parle d’héritage dormant de ma mère, c’est bien évidemment à posteriori que je l’ai compris. Sur le coup, j’ai juste eu un coup de cœur qui m’a donné l’impulsion de me lancer dans l’apprentissage en recommençant mes études par un CAP de fleuriste.
Une transmission naturelle de mère en fille …
Depuis petite, je mettais dans la terre tout ce qui ressemblait à un truc qui pouvait pousser après que ma maman, mais aussi mon papa, ait cuisiné et dans ma famille aucun repas n’échappait à la tradition de décoration florale de ma maman, home made bien sur ! Elle allait au marché aux fleurs de Saint Pierre à 5h du matin tous les mercredis pour choisir les fleurs pour la maison et je m’amusais à mettre mes doigts dans les pains de mousse de ses compositions. Elle me disait que ca coutait cher, que c’était précieux et que c’était son plaisir à elle, je n’avais pas le droit de m’immiscer dans ce processus de création.
Je la regardais donc pendant de nombreuses années composer ses bouquets et compositions avec des yeux vifs et admiratifs.
Ce qui est plutôt drôle c’est que lorsque j’ai annoncé à ma mère ce revirement professionnel, elle n’a ni compris, ni accepté. Elle a juste fait avec, jusqu’à ce que je trouve les mots pour lui expliquer. Aujourd’hui, c’est ma plus grande ‘fan’, même si elle ne le dit jamais ! ti manière créole ou coné !
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@julieferdiaz -
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@jungleutopia
R : Pourquoi avoir créé Jungle Utopia ? Quelles ont été tes inspirations et surtout quelles sont tes aspirations à venir concernant ton shop ?
A : J’ai créé Jungle Utopia il y a 3 ans après des années en tant que salariée. Ces années ont été très enrichissantes mais à un moment donné j’ai eu envie de faire éclater ma créativité dans un projet plus personnel, un projet pour moi, avec ma vision des fleurs, du métier. Jungle Utopia tire son inspiration de tout ce qui m’a entouré pendant ma construction. Mon quartier de pêcheur, vivant et tumultueux, mon île étonnante et imprévisible et mes nombreuses années à Paris sans limite, cent découvertes. Avant d’ouvrir mon shop, j’ai fait une année en tant qu’ambulante, je vendais mes fleurs sur le marché comme les fleuristes des bords de route chez qui, petite, mes parents s’arrêtaient pour que je choisisse un bouquet pour ma marraine.
Ouverture de la boutique Jungle Utopia à Toulouse
Ça n’a jamais été un but d’être sur les marchés mais un point de départ important (que je referai si c’était à refaire) pour tester mon approche des fleurs à Toulouse, voir si ça résonnait chez les toulousains, potentiels futurs clients d’une boutique Jungle Utopia. J’ai donc axé mon projet sur la légèreté des marchés et une forte présence numérique pour me faire connaître. À un certain point, la boutique devenait vitale, je ne pouvais plus me contenter de mon atelier dans mon garage et ma charrette sur les marchés. La demande grandissait, je devais grandir avec elle. J’ai donc ouvert le shop 1 an et demi après mon arrivée dans la ville rose. Je suis ravie d’avoir pu imposer mon style et de faire partie des fleuristes chouettes de cette belle ville. Dans le futur, je tends à continuer à faire connaître les fleurs autrement et à obtenir le label éco-responsable que je vise depuis l’ouverture.
R : Comment qualifierais tu l’entrepreneuriat en tant que femme Réunionnaise en métropole ?
A : Être une femme réunionnaise est une de mes plus grandes forces. J’ai toujours vécu mes racines comme des alliées. Je ne pense pas qu’elles aient été un frein dans mon évolution ici d’un point de vue factuel. Par contre je pense que j’ai dû et que je dois toujours déployer plus d’énergies dans mon projet qu’un métropolitain qui aurait sa famille sur place, ses marques, ses repères, sa culture.
Construire son projet pro en partant de rien avec 11000 km de racines et tout ce qu’elles comportent en poids émotionnel est un challenge.
Je n’ai pas d’indépendant-e dans ma famille, ni d’artisan-e, ni d’entrepreneur-se pour m’ouvrir la voix, me conseiller, m’aider à prendre des décisions. Je n’avais pas non plus au lancement de mon projet, vraiment de capital social pour donner une impulsion à mon entreprise.
Être une femme noire entrepreneure
Mon évolution c’est moi et moi même. Et ça, ça a été ma plus grande complexité et aujourd’hui c’est ma plus grande fierté. I made it ! Aussi, si être une femme réunionnaise ne m’a pas freiné dans mon parcours, être simplement une femme et une femme noire, et ce même dans un métier ‘ de femmes ‘ qu’est celui de fleuriste m’a toujours valu de devoir faire mes preuves sans cesse. En présentant mon projet à mon entourage, on m’a souvent pris à la légère. Au Pôle emploi, à la banque, auprès de certains fournisseurs !
R : As-tu d’autres projets déjà en tête pour l’avenir ? Envisages-tu un Jungle Utopia sur l’île ?
A : Je n’envisage pas d’ouvrir un Jungle Utopia sur l’île mais je compte bien y revenir avec un autre projet d’ici quelques années. Mais là dessus je ne peux encore rien dire … À l’avenir, j’aimerais poser ma vision des fleurs dans un livre, ça se mûrit tranquillement.
R : Que conseillerais-tu aux femmes désireuses de lancer leur propre affaire ? Sur l’île ou ailleurs !
A : Je conseillerais aux femmes désireuses de lancer leur propre affaire de foncer. De foncer avec un projet structuré sur des bases saines. Qu’est ce que je veux développer ? Quels sont les moyens d’action que je peux mettre en place à mon échelle pour le développer ? Qu’est ce que ce projet va m’apporter ? Qu’est ce que je peux apporter à mon projet ? Je leur conseillerais d’être ancrée dans leur projet en prenant en considération l’avis et le conseil de leur entourage bienveillant et de s’extraire de toutes relations non constructives qui pourraient potentiellement causer du découragement et de la morosité.
Croire en soi comme dans bien des domaines, c’est 60 % du chemin.
Le reste c’est beaucoup de chance, et un petit don pour saisir les bonnes opportunités. Je conseillerais aussi à celles dont le projet n’a pas abouti, de retenir ce que l’aventure leur a apporté. On grandit dans toutes circonstances et aucun échec n’est un poids de mesure de notre valeur.
Infos pratiques
Si vous êtes sur Toulouse ou simplement en métropole, vous pouvez rendre visite à Alice dans son magnifique espace créatif Jungle Utopia localisé au 09 Place de l’Estrapade 31300 Toulouse, ouvert du mardi au vendredi 10h 13h – 14h30 19h, samedi 10h 14h -15h30 19h30. Pour ne rien rater de ses créations même depuis la Réunion, ça se passe sur les réseaux : Facebook et Instagram