Réunionnaises le Mag revient pour vous sur l’histoire inspirante de Marguerite Jauzelon, institutrice et résistante durant la Seconde Guerre mondiale. Une héroïne décédée en 2023 et qui, par son courage, à marquer l’histoire de la Réunion.
Toutes les héroïnes ne foulent pas le tapis rouge, capées, après qu’un blockbuster les a rendues célèbres. Marguerite Jauzelon est de celle-là. Une institutrice, une ambulancière, une résistante… Une héroïne de l’ombre donc, mais bien réelle, dont on ne devrait jamais oublier d’honorer la mémoire.
La Réunion, une colonie en temps de guerre
Pour comprendre qui était Marguerite Jauzelon et l’importance de son histoire, un petit voyage dans le temps s’impose. Retour en 1939, quand la Seconde Guerre mondiale éclate. On pourrait croire l’île de la Réunion épargnée par les horreurs de cette guerre, protégée par les milliers de kilomètres qui la sépare de l’Europe. Mais il n’en est rien ! Rappelez-vous, à l’époque, la Réunion est encore une colonie française. Dès septembre 1939, le gouvernement déclare une mobilisation générale. Des centaines de Réunionnais embarquent vers la métropole et les colonies. Au début du conflit, environ 3 500 Réunionnais gagnent les rangs de l’armée française. Près de 1 500 d’entre eux, appelés ou volontaires, partent comme renfort à Madagascar.
En 1940, quand la France tombe aux mains des nazis, le peuple réunionnais se retrouve malgré lui sous l’influence du régime de Vichy. Pierre Émile Aubert, gouverneur de La Réunion de l’époque, reste fidèle à ce régime. Il met en place des lois répressives qui restreignent les libertés publiques. Des libertés amoindries et un éloignement géographique qui se transforme peu à peu en isolement… Le blocus maritime astreint par les Alliées entraîne des pénuries alimentaires et matérielles importantes. Les Réunionnais se rationnent tandis que les produits de base comme le riz ou la farine se mettent à manquer.
À ces privations s’ajoutent une censure stricte. Tout soutien à la France Libre est réprimé. De cette répression va naître, à la Réunion comme en métropole, des réseaux de résistance clandestins. Diffusion d’informations, soutien aux réseaux de résistance de la métropole, collectes de fonds… Les résistants réunionnais font tout leur possible pour soutenir la France Libre. Parmi ces courageux engagés, en 1943, on découvre une jeune institutrice : Marguerite Jauzelon.
1943, Marguerite Jauzelon s’engage
Née en 1917, à la Ravine Creuse à Saint-André, Marguerite Jauzelon a grandi dans une famille modeste. En 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, elle est une enseignante dévouée à ses élèves. À la création du régime de Vichy, elle quitte les tableaux noirs de l’école pour s’engager dans la résistance. À 26 ans, elle n’a qu’un souhait : participer à l’effort de guerre. Le 24 novembre 1943, à Saint-Denis, 51 Réunionnaises rejoignent les forces de La France Libre. Elles embarquent d’abords vers Madagascar, mais Marguerite n’a qu’une ambition : aller au front, là où combattent ses frères depuis le mois de janvier 1943.
Sa détermination finit par payer, puisqu’elle s’envole pour Oran, en Algérie avec le 431ᵉ Bataillon, un bataillon médical colonial composé exclusivement de femmes réunionnaises et malgaches. À son arrivée, elle est affectée dans la 3ᵉ Compagnie de ramassage. C’est officiel, la jeune réunionnaise qui rêvait d’être aviatrice est ambulancière au sein de l’armée française de libération. De la guerre, elle gardera un surnom « Réglisse », qu’on lui donne à cause de sa chevelure noire.
La Provence, le Rhône, les Vosges… Marguerite traverse la France de zone de combat en zone de combat. Début 1945, en compagnie de l’armée du Général de Lattre de Tassigny, marguerite pénètre au cœur du Reich, en Allemagne, au volant son ambulance baptisée « l’hirondelle ». Partout où elle passe, elle récupérera et sauvera des soldats, « qu’ils soient Allemands, Africains ou Français », déclara-t-elle à son 104ᵉ anniversaire.
Le retour au péi
Démobilisée en 1946, Marguerite Jauzelon troque à nouveau son uniforme de résistante pour celui d’institutrice. Pendant des décennies, elle éduque ses jeunes élèves de Saint-André sans raconter son histoire. Une histoire qui aurait pu, comme tant d’autres, tomber dans l’oubli. Sa bravoure et son investissement, il faut attendre les années 2000 pour qu’ils soient reconnus. Marguerite Jauzelon a été faite chevalier de la Légion d’honneur en 2002 et Officier en 2012. Marguerite témoigne dans le n°369 de la revue hebdomadaire « BELLE » (2014), supplément du Quotidien de la Réunion.
« Avoir sa place dans les livres d’histoire, c’est un honneur, ça viendra.
Ce manque de reconnaissance, je ne le vis pas comme une injustice mais comme de l’indifférence. Je n’en veux à personne. »
Quoi qu’il en soit, Marguerite Jauzelon n’est pas morte dans l’indifférence. Son décès, à l’âge de 105 ans en février 2023, a suscité beaucoup d’émotions sur l’île. Parmi les hommages qui lui ont été rendus, on se souvient des mots d’Hugette Bello, présidente de la Région. Dans un communiqué, elle évoque « une grande Réunionnaise au parcours exceptionnel dont La Réunion s’enorgueillit », et salue son audace. Un courage et un destin également salués par la maire de Saint-Denis, Ericka Bareigts, qui a déclaré : « C’est un bout de notre histoire qui s’en va, votre combativité et votre détermination font de nous des femmes inspirées par votre parcours d’exception. » Un lycée de la capitale de l’île porte aujourd’hui le nom de Marguerite.
Le destin de Marguerite Jauzelon rappelle qu’à la Réunion aussi, malgré un éloignement géographique certain, des femmes et des hommes se sont levés et engagés contre l’Allemagne nazie et la France de Vichy. Des destins comme celui de Marguerite, l’île en abrite beaucoup. N’oublions pas de nous souvenir des héroïnes et des héros qui se sont battus pour notre liberté.