Impossible en 2021 d’ignorer  les voix qui s’élèvent pour défendre les droits des femmes. Mais sont-elles entendues sur tout le territoire français ? Nous avons rencontré trois militantes du collectif NousToutes974. Ensemble, nous avons tenté de répondre à cette question : en 2021, où en est le féminisme à la Réunion ? 

Encore aujourd’hui, les droits des femmes reculent dans certaines parties du globe. C’est notamment le cas en Afghanistan depuis l’arrivée des Talibans au pouvoir… Mais la tendance est globalement à une libération de la parole et aux changements. Avec les mouvements #metoo et #balancetonporc, les manifs contre les violences faites aux femmes, l’engagement de personnalités médiatisées… Le XXIᵉ siècle fait bel et bien trembler le patriarcat.

 

NousToutes est un collectif féministe national. Il est né en 2018, créé par Caroline De Hass. Nous avons rencontré Alizée, Merenwen et Anne-Laure, du collectif indépendant NousToutes974. En s’appuyant sur leurs témoignages et sur l’enquête « Virage » (menée dans les Outre-mer par l’INED en 2018), nous avons tenté de répondre à cette question : en 2021, où en est le féminisme à la Réunion ?

Féminisme à la Réunion, « Les mentalités évoluent plus lentement »

Merenwen*, 39 ans, est rédactrice pour les réseaux sociaux du collectif. Selon elle, « la Réunion a un léger retard en termes d’égalité des genres ». Pourtant, la principale organisation féministe de l’île, l’Union des femmes de la Réunion (l’UFR) existe depuis 1958 ! La militante reste tout de même confiante, si « les mentalités évoluent plus lentement, elles évoluent quand même », grâce notamment à Internet. NousToutes974 est justement très présent sur Instagram. Le collectif y sensibilise le public et y organise des actions : collages avec le collectif @collages_feministes_974, projets artistiques pour dénoncer les violences et inégalités…

En ce moment, une marche contre les violences sexistes et sexuelles s’organise le 27 novembre à Saint-Pierre. Cette marche fait écho à la première marche des Fiertés réunionnaise, qui a eu lieu le 16 mai 2021. « Même si nous sommes une petite île perdue, nous sommes reliés au monde et on le voit changer… » explique Merenwen. « On a envie d’être acteur·rices de ce changement ici aussi, pour que les futures générations souffrent moins. »

Plus de violences en Outre-mer qu’en métropole

Pour Alizée, 24 ans, référente du comité local et graphiste de NousToutes974, le constat est amer : « la femme réunionnaise vit avec des stéréotypes misogynes. La violence intra-familiale est très présente. » En effet, selon l’enquête « Virage », les femmes habitant les Outre-mer sont davantage victimes de violences sexistes et sexuelles.

À la Réunion, 36 % des femmes sont victimes de harcèlement dans les espaces publics. Les réunionnaises se font deux fois plus siffler dans la rue qu’en métropole. Elles sont aussi trois fois plus victimes de propositions sexuelles insistantes. Pour Merenwen* les cultures du viol et de la violence sont « très ancrées dans l’histoire locale ».

Capture d’écran du compte @collages_feministes_974

 

Quant aux violences conjugales sur l’île, impossible de les ignorer : on les retrouve quasi quotidiennement dans la rubrique faits divers des journaux locaux. Anne-Laure, 34 ans, membre de NousToutes974 depuis mars 2021, a été témoin de ce type de violence dans sa propre famille. « Je suis en colère et je veux que ça aide à changer le monde. »

Des victimes qui parlent davantage, rais restent peu soutenues

Anne-Laure, nous alerte sur une situation qu’elle estime préoccupante : « La Réunion est le 3ᵉ département le plus concerné par les violences intrafamiliales. » Chaque jour, sept plaintes sont déposées pour violences dans le couple.  Un chiffre en hausse de 11,9 % entre 2019 et 2020. Cela s’expliquerait par les 37 mesures locales prises lors du Grenelle des violences conjugales organisé le 3 septembre 2019.

Parmi ces mesures :

  • L’amélioration de l’accueil et la prise en charge des victimes par les services de police et de gendarmerie
  • Une meilleure évaluation du danger encouru par la victime et un meilleur accompagnement
  • Davantage de places d’hébergement exclusivement dédiées aux victimes

Un an après, la déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, Nadia Bensrhayar, dressait un premier bilan. « Sur les 37 mesures locales actées, 22 actions sont dans un état d’avancement très satisfaisant (dont 12 bien avancées et 10 sont en cours). Ce qui fait 60 % de taux de réalisation. »

Pour l’association Osez le Féminisme ! Réunion ça n’est pas assez. Dans un communiqué publié le 25 novembre 2020, elle estimait que beaucoup des victimes réunionnaises de violences conjugales  auraient pu être évitées.

« 38 % des femmes tuées à La Réunion en douze ans avaient signalé leur bourreau à la justice, et auraient donc pu être sauvées. »

Chez NousToutes974, on dénonce surtout le manque d’informations apportées aux victimes. « Aujourd’hui, il existe des aides, mais elles ne sont ni connues, ni communiquées, ni médiatisées ! » se désole Alizée. Selon elles, les victimes ne quittent pas leur bourreau, par peur de n’être pas prises au sérieux ou de se retrouver à la rue.

Le manque d’informations, la honte qui peine à changer de camp et le manque de moyen donnés par l’État ont de graves conséquences… Entre 2006 et 2018, 49 femmes sont mortes sur l’île sous les coups de leurs conjoints ou ex-compagnons. Du coup, en 2021, où en est le féminisme à la Réunion ? Alors qu’il n’y avait plus eu de féminicide à la Réunion depuis plus de deux ans, en mars dernier, deux femmes sont mortes à Saint-Joseph.

Se battre pour un meilleur avenir

La solution d’Anne-Laure pour éradiquer toute cette violence ? L’éducation, pour lutter contre le sexisme ordinaire et les inégalités dès le plus jeune âge. Alizée confirme : « L’éducation que nous donnons à nos enfants aujourd’hui sera l’avenir, que j’espère positif, des femmes réunionnaises. »

Éduquer, sensibiliser, c’est justement ce à quoi travaillent les militant·e·s du collectif Noustoutes974 ! Ensemble, iels se battent pour la même chose : un avenir plus radieux pour les réunionnais·es. « Peu importent nos genres et nos origines, j’espère qu’à l’avenir, on se sera affranchi des règles du patriarcat », déclare Merenwen.

En 2021, où en est le féminisme à la Réunion

Alizée souhaite également mettre en lumière l’écoféminisme. La jeune maman espère la nouvelle génération, celle de sa fille, armée pour faire face à ce combat. Car elle l’assure : « le salut de la femme sera aussi celui de la terre ! » Quant à Anne-Laure, elle souhaite à toutes les femmes du monde de s’unir pour un avenir vraiment égalitaire. Un avenir dans lequel « nos droits seront vraiment respectés. ». Elle espère aussi que les violences sexistes et sexuelles cessent une bonne fois pour toutes. Que chaque femme puisse vivre « des relations amoureuses sereines avec des hommes déconstruits qui auront compris que dominer ce n’est pas aimer. »

En attendant, les actions de sensibilisation se multiplient sur l’île de la Réunion. Par exemple, avec 87 % des femmes victime de harcèlement sexiste dans les transports publics, le Syndicat mixte de transport de La Réunion (SMTR) a décidé d’agir. En février 2019, il a lancé une campagne de lutte contre le harcèlement sexiste dans les transports publics.

En 2021, où en est le féminisme à la Réunion ? La route est encore longue. Mais avec des prises de consciences et des appels à la lutte qui se multiplient, le féminisme à la Réunion a de beaux jours devant lui !

Pour porter, vous aussi, la voix des victimes de violences et soutenir la lutte pour l’égalité, rejoignez les militant·e·s du collectif NousToutes974 dès le 27 novembre 2021, à 15 h (et non plus 17h30), aux jardins de la mairie de Saint-Pierre.

 

* C’est un pseudonyme