Un tout nouveau portrait se glisse dans notre rubrique « Rencontres », celui d’Alexandra. Jeune femme active, maman, cheffe d’entreprise à la tête de Bertelle Studio et créatrice de contenu avec La Gadiamb Family, Alexandra a la tête pleine d’idées et a décidé d’en animer son quotidien. Rencontre avec cette super nana 2.0 ! 

Alexandra a un parcours atypique, à 17 ans déjà elle obtient son bac littéraire et décide de quitter la Réunion pour faire le grand saut. Partir « lot koté la mer » comme beaucoup d’entre nous en quête d’identité et d’aventures. Biaisée par le système scolaire (qui tend un peu trop à décourager nos rêves), Alexandra laisse de côté son envie d’évoluer dans une fibre artistique et poursuit des études de littérature anglaise. Classique. Mais voilà, elle s’ennuie et l’appel de ses premiers amours se fait vite sentir… « Je sentais que ce parcours ne me convenait pas, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai commencé par un service civique au service com de la mairie de la ville où je vivais. J’y ai rencontré de très belles personnes, des artistes et des graphistes. J’ai commencé à chercher une école … » En 20217 elle sort diplômée en design graphique et web. La voilà maintenant fière d’un bagage garni en gestion de projet, stratégie digitale, gestion des réseaux sociaux, ou encore apte à gérer photo et montage vidéo. Un véritable couteau suisse !

Je n’aurais jamais cru faire un burn-out à 24 ans.

C’est un petit bout de femme accompli qui fait ses armes et elle se retrouve vite embauchée dans un studio de création à Reims. Mais encore une fois, la vie étant ce qu’elle est, tout ne se passe pas comme prévu, « Je suis arrivée pleine d’énergie à la base pour un post de graphiste junior. Au fil des semaines, avec toutes les compétences que j’avais acquises, j’ai commencé à faire des sites internet, du suivi de projets, du packaging, du Community Management… J’ai beaucoup appris, mais je suis sortie de là toute brisée. » Le mauvais management qu’elle subit de la part de ses supérieurs la pousse au burn out et réduit en peau de chagrin la confiance qu’elle pouvait avoir en elle.  » Je n’aurais jamais cru faire un burn-out à 24 ans. Un jour, ton corps te dit stop et tu ne peux rien faire. Et là, c’est l’enfer, une très grosse dépression, je me sentais vide, incapable de faire quoi que ce soit, certains me trouvaient folle d’avoir lâché un CDI. »

Revivre grâce à la thérapie, mais surtout par le soutien des proches

Dans son malheur, Alexandra a la chance d’être entourée d’un entourage bienveillant qui la pousse vers la lumière. La jeune femme décide alors de s’en sortir et entame une thérapie. Elle réussit à ne garder que le positif de toute cette histoire et tel un phénix, renaît de ses cendres plus motivée que jamais à réaliser son rêve et exercer ce métier qu’elle aime tant.  » S’il y a bien une chose positive que j’ai gardée de toute cette histoire, c’est mon métier qui me passionne toujours autant. Je décide alors de me lancer en free-lance. Grâce à un réseau très solide, j’ai pu rapidement avoir des projets et je n’avais plus d’autre choix que de me lancer. Cette voie m’a aussi permis de devenir intervenante dans mon ancienne école et c’est là qu’est né Bertelle Studio. »

R- Le Mag : Comment s’est passé le lancement de Bertelle Studio ?

Alexandra – Au-delà de l’expérience catastrophique que j’ai vécue, j’ai compris que le monde du salariat ne me
correspondait pas. Ni a mon rythme, ni avec la vision que j’avais de mon métier. J’ai rencontré pas mal d’entrepreneurs, et je me suis dit vas-y go, c’est ça qui est fait pour toi ! Pour la petite histoire, un mois après l’ouverture de mon autoentreprise, j’apprenais ma grossesse… Mais j’ai charbonné pendant neuf mois, en plein covid en plus ! Ce n’était pas simple, mais j’avais de beaux projets, de super clients. Pendant plus de 4 mois, je n’avais aucune idée du nom de mon entreprise et c’est en écoutant l’album de Maya Kamaty, plus précisément la chanson « Santié Papang » où elle dit « Mi mazine dann mon bértel » que j’ai le déclic. Je cherchais un nom en rapport avec la réunion, Bertel a fait sens ! J’ai modifié le mot en rajoutant -elle-  à la fin, c’est pour moi une façon de valoriser à la fois l’entrepreneuriat au féminin et la Réunion.

R Le Mag – Tu travailles avec ton conjoint Benjamin, comment se passe l’entrepreneuriat à deux ?

Alexandra – Ça fait 11 ans qu’on est ensemble avec Benjamin, depuis le lycée. On a donc grandi ensemble, tout partager, les hauts comme les bas. J’étais la première à me lancer, Benjamin lui enchaînait les boulots. C’est avec La Gadiamb Family, qu’il a eu lui aussi cette envie de se lancer. Il a quitté son CDI et a rejoint l’aventure. Je dirais qu’entreprendre à deux, est arrivé comme une évidence pour nous. On se connaît, en un regard, on sait ce que l’autre à dans la tête, on sait quoi dire et comment le dire à l’autre. Même si ce n’est pas tous les jours tout beau, la clé c’est la communication. On apprend l’un de l’autre constamment. Vu qu’on vit la même chose, c’est plus simple de discuter de nos doutes ou de nos peurs. Le seul point négatif, surtout quand tu es passionné, c’est que le travail peut vite prendre toute la place. Il nous a fallu du temps pour apprendre à séparer le travail de notre couple et de passer des moments à faire autre chose que parler boulot.

 

 

R Le Mag – Parle nous un peu de La Gadiamb Family, était-ce un projet tout réfléchi en rapport avec votre retour à la Réunion où une idée germée sur le vif ?

Alexandra – notre grossesse a été un vrai chamboulement (positif bien sûr). L’idée est venue avec le COVID et l’arrivée de notre petite. Benjamin était très souvent à la maison, on a commencé à vouloir garder des souvenirs de la grossesse, de son arrivée. Benjamin a commencé le montage comme ça. On n’avait pas du tout pour but de se lancer sur YouTube ou les autres réseaux. Un soir, on échange avec nos amis, eux aussi Réunionnais en Metropole, je dis, « c’est fou, on consomme énormément de contenus sur les réseaux, sur Youtube mais on n’arrive pas à s’identifier pleinement à quelqu’un. Des Réunionnais qui vivent peu être la même chose que nous, loin des proches, loin de notre île ». On a cogité toute la nuit et avec Benjamin, on s’est dit Ok let’s go ! On tente, on reste nous-même, et au pire, ce sera pour notre famille et nos amis. Et sur TikTok, c’était vraiment la partie « Kassage lé kui » qui nous
plaisait, on voulait partager notre expérience lot koté la mer avec toutes les situations qu’on a pu vivre ou les clicher qu’on entendait. Voilà comment est née La Gadiamb Family !

R Le Mag – Maintenant que vous êtes de retour sur notre île, comment se passe une journée type avec vous ?

Alexandra – Je me réveille très tôt, avant Jade. J’avance sur l’organisation de ma journée, les mails, to do list etc. Je laisse Benjamin dormir un peu, car il fait du montage surtout la nuit. Jade et lui se réveillent à peu près en même temps et là, j’enfile ma casquette de maman. On prépare tout ce qu’il faut pour le petit-déjeuner, pour sa journée chez la nounou etc. Benjamin la dépose et on enchaîne avec nos casquettes d’entrepreneurs. En vérité, aucune journée ne se ressemble. On peut être amenés à beaucoup bouger, comme à rester toute une journée derrière nos ordinateurs. On essaie de trouver un équilibre entre mes clients, ses clients, La Gadiamb Family, écrire des scripts de vidéos, tourner, monter et publier…  Ensuite, 17h à 20 h, on remet notre casquette de parents et une fois Jade endormie, on peut être amenés à reprendre le boulot afin d’avancer au maximum sur nos plannings. Et puis il y a des jours où la vie décide autrement. Étant atteinte d’endométriose, il y a des moments qui sont moins radieux. Il faut les accepter, écouter son corps et se dire qu’aujourd’hui, j’ai fait ce que j’ai pu et c’est déjà très bien.

 

R Le Mag – Quels conseils pourrais-tu donner à toutes les femmes désireuses de se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat ?

Alexandra – Tout d’abord de se faire confiance, c’est le plus dur. Puis, de réussir à surmonter ses peurs, sinon on se pénalise toute seule. Comprendre qu’échouer ce n’est pas grave. Les échecs font et feront partie de l’aventure, même si les réseaux sociaux nous font parfois croire le contraire. Derrière une réussite se cachent souvent beaucoup d’échecs et de doutes. On ne le dit pas assez, donc on finit par s’isoler. Ne négligez pas votre santé mentale ni votre santé physique, n’ayez pas peur de demander de l’aide. Ensuite, un point important, pouvoir se construire un réseau fiable et bienveillant tout en restant soi-même. Ne pas tout accepter (plus facile à dire qu’à faire), savoir dire non. Et pour finir, je dirais de connaître sa valeur, se répéter au quotidien qu’on est capable. Surtout en tant que femme, en tant que mère, on peut être amenée à ne pas se sentir légitime, à ne pas être suffisamment écoutée ou prise au sérieux. Entourez-vous de personnes bienveillantes et qui vous tireront toujours vers le haut.