La toute première organisation féministe de la Réunion est née au moment de la départementalisation l’île, en 1946. Il était une fois… l’Union des femmes de La Réunion (ou UFR) pour qui le féminisme rime avec anticolonialisme. 

En 2024, impossible d’ignorer que le féminisme est pluriel. Selon l’association Oxfam France, on peut le définir ainsi :  « Un ensemble de mouvements et d’idées philosophiques qui partagent un but commun : définir, promouvoir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes ». Si l’objectif de ces mouvements semble donc commun, on trouve dans chaque mouvement des idées, des méthodes et des revendications divergentes. Le féminisme peut être intersectionnel, libéral, différentialiste… Il existe même un féminisme anticolonial, dont l’Union des femmes de La Réunion s’est fait le porte-étendard dès les années 1950. Retour sur l’histoire de la principale organisation féministe de l’île.

La première organisation féministe de la Réunion

Le féminisme s’est adapté, au fil du temps, aux époques dans lesquels il a existé. Moyen Âge, Renaissance, XIXe siècle ou de nos jours… l’objectif est le même : le droit des femmes. Mais les luttes, elles, différent. Cette réalité est aussi géographique ; on ne pratique pas le même féminisme lorsqu’on est une femme iranienne, une femme argentine ou une femme écossaise. De ce fait, le féminisme à La Réunion est différent du féminisme de Métropole. On vous en parlait déjà en 2021, avec un article dans lequel nous faisions le point sur la situation des femmes à la Réunion en compagnie de trois militantes du collectif NousToutes974. Aujourd’hui, on revient sur les origines de la première organisation féministe de l’île : l’Union des femmes de la Réunion, aussi connu sous le nom d’UFR.

Tout commence en 1946, année de la loi de départementalisation. Cette loi proposée par Aimé Césaire érige les « quatre vieilles colonies » issues du premier empire colonial français en département. Parmi ces quatre anciennes colonies, on retrouve l’île de la Réunion. À l’époque, plusieurs femmes s’unissent pour s’assurer que les Réunionnaises accèdent à tous les droits acquis par les Françaises de métropole. Parmi ces militantes, on compte notamment Isnelle Amelin, Marie Gamel, Alicia Mazaka ou encore Alice Peverelly. Ensemble, elles créent la section réunionnaise de l’Union des femmes françaises (UFF). En 1958, cette même section sera rebaptisée Union des femmes de La Réunion (UFR). C’est à cette période que naissent aussi l’Union des femmes martiniquaises (UFM) et l’Union des femmes guadeloupéennes (UFG).

« (…) nous n’étions encore que des demi-françaises  »

Dans son article « Un féminisme anticolonial : l’Union des femmes de La Réunion (1946-1981) », paru dans la revue Mouvements (2017, n°91), Myriam Paris décrypte la création de ce mouvement féministe et anticolonial. Elle rappelle qu’Isnelle Amelin déclarait dans Le Quotidien du 16 septembre 1993 : « Si nous n’étions plus des indigènes, nous n’étions encore que des demi-françaises  ». Vingt-cinq ans plus tôt, l’organisation figurait parmi les signataires du « manifeste pour le droit à l’autodétermination et contre toute solution néocolonialiste » publié dans le journal du Parti communiste réunionnais.

Inégalité hommes femmes Réunionnaises le Mag © INSEE

Rappelons le statut particulier de La Réunion, au lendemain de la loi de départementalisation. L’île est en effet soumise à un régime juridique spécial :  certaines lois en vigueur en France, notamment les lois sociales, ne s’appliquent pas ou différemment sur le sol réunionnais. Or, on le sait, les femmes sont souvent les premières victimes de l’inégalité et des injustices sociales.

En 2017, selon l’Observatoire des inégalités, les femmes touchaient en moyenne un salaire 23 % moins élevé que celui des hommes… On vous laisse imaginer la réalité des travailleuses réunionnaises dans les années 50/60.

Une politique antinataliste cruelle

Ce sont justement ces travailleuses créoles, pauvres et non-blanches, qui constituent la majorité des 2 300 adhérentes de la section réunionnaise de l’Union des femmes en 1947. Ces femmes pauvres seront aussi les premières victimes d’une politique antinataliste dénoncée par l’UFR dans les années 70. Une politique de limitation des naissances que Françoise Vergès, politologue et militante féministe, a dénoncé sur Radio France : « C’est le même État qui d’un côté, criminalise l’avortement en France métropolitaine jusqu’en 1975, et de l’autre, mène une politique très différente sur l’île de La Réunion. (…) On parle de milliers de femmes qu’on a fait avorter ou stérilisées par an, sans consentement ».

stérilisations et avortements forcés, île de la Réunion, RLM
* LES DROITS DES FEMMES SONT DES DROITS HUMAINS © Colin Lloyd

Avec la création, en 1966, de l’Association réunionnaise pour l’orientation familiale (AROF), à l’initiative du préfet, de nombreux dispensaires ouvrent sur l’île, proposant des contraceptifs aux Réunionnaises. Les médecins de l’AROF prescrivent alors en masse un produit appelé Depo-Provera. Sur le site du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTRI) la Maîtresse de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord Hélène Bretin questionne la place des femmes immigrées face à la contraception. Elle évoque le « double standard » du Depo-Provera « considéré comme dangereux pour les unes, mais utilisé auprès des autres »

La lutte contre ces violences obstétriques et cette politique antinataliste s’est donc ajouté à la longue liste des combats menés par l’UFR. Dans les années 70, plusieurs réunionnaises ont ainsi porté plainte, avec le soutien de l’UFR, pour des avortements et des stérilisations forcées.

Aujourd’hui, l’UFR est devenu l’Union des femmes réunionnaises. Sur sa page facebook, on apprend que « l’une des principales missions de l’association consiste à écouter, accompagner et aider les femmes victimes de violences, notamment conjugales ».  L’association lutte également pour la libération de la parole des victimes d’inceste.
Son slogan :

« Fanm la Rényon, fanm debout ».

 

 

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