Maya Kamaty s’apprête à sortir son nouvel album, Sovaz, aux accents résolument urbains. Rencontre avec cette artiste multiple, libre et bien décidée à vivre hors des cases.

Samedi 9 mars 2024, Rouziers-de-Touraine. Maya Kamaty étonne et captive le public tourangeau. Elle leur présente son dernier album, « Sovaz », qui sortira officiellement le 5 avril prochain. Se produire là où on ne l’attend pas, au fin fond de l’Indre-et-Loire dans une petite commune de 1 400 âmes par exemple… cette artiste chanteuse, autrice et compositrice adore ça !

Maya Kamaty, chanteuse tout-terrain

Sur la scène de l’Espace Culturel Les Quatre Vents, dans des clubs en Inde ou à La Bellevilloise à Paris (le 21 mars 2024 !), Maya chante et rap avec son cœur. « L’entre soi, ça ne me parle pas. Moi, j’aime rencontrer du monde, des gens qui n’ont pas le même fonctionnement, pas la même culture. » Comme disait Desproges : l’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne. Pour Maya Kamaty pas de doute, « ce monde tourne à l’envers et l’on va à l’encontre de ce qu’on devrait faire » : se respecter et apprendre de l’autre.

Quel meilleur moyen d’utiliser la musique, si ce n’est pour briser les barrières dressées par la société entre les gens ? Pourtant, au départ, Maya Kamaty ne voulait pas de cette vie-là. Difficile pour cette réunionnaise de supporter le poids de ce « fille de », dont on lui a trop souvent rabâché les oreilles. Son papa, Gilbert Pounia, est le leader du groupe Ziskakan. Sa maman, la conteuse amateure Anny Grondin, est une gardienne des zistoir lontan. Autant dire que Maya a la scène dans le sang. Elle fait donc le choix de devenir intermittente du spectacle, et avec ses quatorze ans d’expérience, elle l’affirme aujourd’hui : « Je trouve que j’ai de la chance de faire ce métier-là et de questionner cette industrie ».

Sovaz et fière de l’être

Sur scène, l’énergie solaire de Maya Kamaty irradie, ses paroles interpellent, ses sons donnent envie de danser. Néanmoins, elle l’avoue, elle a du mal à trouver sa place. Chanter en créole lui ferme des portes en Métropole, s’éloigner du maloya lui ferme des portes à La Réunion. Pour les morceaux de la version Deluxe de ce nouvel album – 5 titres de l’EP déjà sorti et 3 titres inédits – l’artiste a donc décidé de lâcher prise et de se faire confiance. « Je me suis imposée une forme de spontanéité ». Il suffit d’écouter ses chansons pour comprendre : Maya a des choses à dire et aucune intention de s’excuser. Qu’on adhère ou pas, impossible de rester insensible à cette pop urbaine créole, envoutante et inspirée.

« NON ! je ne suis plus la petite fille sage ! Ce monde m’a rendu SOVAZ, INSOLENTE ! Je me suis emparée de vos mots, de vos cris pour forger les miens – Soyons tous SOVAZ pour ne plus se laisser faire ! il est grand temps ! ». Le message est clair, partagé sur Facebook à l’occasion de la sortie du clip officiel du morceau SOVAZ. En réalité, Maya n’aime pas beaucoup les étiquettes. Elle refuse d’être mise dans une case.

 

La liberté artistique à tout prix

En 2022, parce qu’elle en a marre d’attendre après les labels, elle décide de créer le sien :  Kanyar Deluxe. À la facilité d’entrer dans un moule qui ne lui conviendrait pas, Maya a préféré la liberté d’être multiple. Une chose que l’industrie musicale, elle l’a constaté, n’autorise pas. « Je coche trop de case : je suis une femme, racisée, je chante en créole, je n’ai pas 20 ans, je n’suis pas toute fine… J’suis pas malléable, j’suis pas une pâte à modeler et ça, ça ne convient pas aux labels. »

Selon elle, vouloir mettre les artistes dans des cases, ça segmente la musique. « Si tu ne chantes pas en anglais ou en français, si tu ne choisis pas une langue dominante, t’es  »world music ». Tous ces critères, ça enferme la musique ! » Quand on lui demande pourquoi elle chante et rap en créole, Maya s’étonne : « personne demande à Rosaria pourquoi elle chante en catalan. Je chante créole juste parce que c’est ma langue. » Elle se refuse à en faire une histoire ou un combat. « Dans la musique, il faut toujours avoir un  »storytelling », ça m’emmerde, t’as pas le droit d’être vrai. »

Une musique qui évolue au fil de ses inspirations

La musique de Maya évolue avec ses goûts et ses expériences. Aujourd’hui, la chanteuse s’inspire de Rosalia, écoute des filles « badass » comme Nikki Minaj ou Beyoncé et aime Kendrick Lamar. Surtout, après quatorze ans à naviguer dans l’industrie de la musique, Maya est en colère. « Ce que tu entends dans les festivals, de la bouche de programmateur, de sponsors… », des propositions malhonnêtes et indécentes notamment, « y’a tout ça qui fait que, à un moment donné, t’es en colère. » Mais hors de question pour la chanteuse d’être vindicative ou ravageuse. Dans ses chansons, jamais d’insultes, mais une forme de (re)prise du pouvoir.

« Les femmes ont le droit d’être qui elles veulent. »

En 2022 par exemple, Maya Kamaty mettait la sororité en musique avec son morceau Meute. Dans son nouvel album, elle dénonce le harcèlement de rue avec KASKOLÉ. Peut-on la qualifier de féministe ? « Oui ! Ce n’est pas un gros mot pour moi. Être féministe, c’est dire que les femmes ont le droit d’être qui elles veulent. » Mais l’artiste l’affirme : « ce n’est pas du militantisme, c’est du bon sens ». Maya chante et rap ses convictions et ses croyances, mais elle aime aussi questionner celles des autres.

C’est pour cela notamment qu’elle a choisi de travailler avec le collectif de jeunes vidéastes réunionnais Formidable.s. « C’était important pour moi de bosser avec des réunionnais, nous explique l’artiste, j’ai toujours voulu montrer aux gens qu’on n’est pas exotique, qu’on sait faire des choses actuelles. » Le résultat est là : un superbe clip inspiré de Wes Anderson, qui interpelle les notions d’assimilation et d’identité.

Au fond, tout l’album « Sovaz » questionne ces termes perpétuellement mis au cœur du débat et utilisés pour diviser les gens. Elle constate par exemple qu’« en ce moment, on entend beaucoup parler d’ensauvagement pour parler de communautarisme et de race ». Pourtant, aux origines, le mot sauvage vient du latin silvaticus, « qui est à l’état de nature ». Si avec« Sovaz », Maya Kamaty embrasse une nouvelle ambiance musicale, elle affirme donc surtout la femme et l’artiste qu’elle est, 100 % vraie et inclassable.

L’album « Sovaz » sort officiellement le 5 avril 2024 !
Les prochaines scènes de Maya Kamaty sont : le 21 mars 2024 à La Bellevilloise (Paris XXe) et les 29 et 30 mars 2024 au théâtre de Saint-Gilles (La Réunion).
Visuels : © DR