Les règles, les cycles, les lunes… De plus en plus, nous essayons de porter un regard bienveillant sur elles, mais notre cycle amène toujours son lot d’inconvénients et de mystères. Rares sont les chanceuses qui, sans contraception hormonale, sont réglées comme du papier à musique, n’ont aucune gêne, aucune douleur, aucune saute d’humeur… Après avoir passé plus de 10 ans sous pilule, notre rédactrice Claire a décidé de tenter autre chose pour son corps en testant la symptothermie. Elle nous raconte ! 

Comment j’ai découvert la pilule

Comme beaucoup, mes premiers cycles étaient assez chaotiques, abondants, douloureux… À moi aussi on m’a répété « C’est normal, les femmes ont souvent mal à ce moment-là, et puis dans notre famille on a toujours eu des règles douloureuses, on ne peut rien y faire ». Alors, chaque mois, je serrais les dents… 

C’est devenu encore pire lorsque j’ai commencé à avoir mes premiers rapports. C’était toujours la même chose. Mes règles arrivaient le matin mais c’était supportable alors je partais au lycée. Au fil de la matinée, j’avais de plus en plus mal et à 11h, n’y tenant plus, j’allais à l’infirmerie. On me donnait des anti-douleurs mais ça ne passait pas donc je décidais de rentrer chez moi sur la pause midi : c’est souvent à ce moment-là que je tombais dans les pommes… Au début, j’essayais de rentrer seule, mais après m’être évanouie une fois dans la rue, ma mère quittait son travail pour me ramener.

La situation ne pouvait plus durer. Mes parents ont donc décidé de m’emmener consulter une gynécologue. Là aussi, c’est un grand classique : j’ai été rapidement auscultée, on ne m’a prescrit aucun examen, on m’a dit qu’il n’y avait rien d’anormal… en revanche, on m’a proposé la pilule, avec la promesse que ça calmerait les douleurs et, bonus, réduirait mon acné. Déjà à l’époque, j’étais consciente que c’étaient des hormones que j’allais devoir avaler tous les jours… mais j’étais contente parce que j’y voyais la possibilité de mieux vivre mes règles mais également de « faire comme tout le monde », de me sentir plus adulte aussi. Les douleurs étaient certes encore là, chaque mois, mais moins intenses, je ne m’évanouissais plus et je n’avais à première vue pas d’effets indésirables. Les années sont passées…

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Le début du questionnement à propos de la pilule

Lorsque j’ai rencontré des problèmes dans ma sexualité au sein de mon couple, j’ai comme beaucoup de femmes, commencé à me poser des questions. À la même période, la parole commençait à se libérer vis-à-vis des dangers potentiels de la pilule et de ses effets indésirables, et je me reconnaissais tout de même dans certains des symptômes (peu de libido, sécheresse vaginale, de l’acné hormonale…). C’est vrai que l’idée d’introduire des hormones dans mon corps ne m’avait jamais vraiment plu, je n’avais jamais aimé non plus le fait que, lorsque j’oubliais de prendre mon cachet quotidien, mon corps comme accoutumé (ou peut-même mon cerveau programmé depuis des années) me réveille en pleine nuit pour me le rappeler. À force d’être exposée aux différents témoignages de femmes ayant arrêté la pilule, une petite voix a fait son apparition dans ma tête : « Et si tu essayais ? ». Cependant, si les belles histoires de filles qui « ne regrettaient rien et n’avaient jamais été aussi bien dans leur corps » fleurissaient sur le net, on trouvait aussi des mauvaises expériences. D’autres questions sont arrivées : « Si j’arrête, qu’est ce qui va se passer ? Comment je vais gérer ma contraception ? Et si mes douleurs et mon acné (qui n’étaient jamais totalement parties) revenaient plus fortes ? Si je prenais encore du poids ? »

J’ai changé de copain, mes problèmes se sont calmés (coïncidence ?) et j’ai laissé la question de côté quelques temps mais l’idée s’était implantée dans ma tête et a fait son petit bout de chemin…

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La décision et la prise d’informations pour arrêter la pilule

Octobre 2021, je suis rentrée à la Réunion pour me ressourcer après une période compliquée : je prends du temps pour moi, je revoie ma manière de voir et de faire les choses, je fais le point sur ma santé physique que j’ai longtemps négligée et je consulte divers spécialistes. On me soupçonne une hypothyroïdie, mais mes examens sont normaux. C’est lors d’un rdv chez une naturopathe à priori sans rapport (j’étais venue pour des problèmes héréditaires de circulation sanguine) que le sujet a été abordé : 

« Tu m’as l’air quand même chargée hormonalement… tu es sous pilule ? Tu as déjà pensé à arrêter ? » Cette question a fait remonter toutes les interrogations que j’avais enfouies jusque-là. Ça faisait onze ans déjà, et la sensation que quelque chose ne tournait pas rond avait grandie. Le fait qu’une professionnelle de santé le pointe, c’était peut-être la preuve que j’attendais ?

En posant un instant, je réalise que c’est peut-être le bon moment pour tenter l’expérience : je suis chez moi, entourée de professionnels de confiance, je n’ai pas de contraception à gérer (mon copain est resté en métropole et il me reste plus de 2mois sur place) et je viens de commencer une plaquette, ce qui me laisse un petit mois pour préparer mon arrêt… Je décide de tenter le coup et d’observer, ne serait-ce que pour les deux mois où je suis là. Pour autant, arrêter la pilule ne veut pas dire que je dois faire ça n’importe comment et les craintes que j’avais ressenties quelques années plus tôt ne s’étaient pas dissipées. J’ai donc décidé de profiter du mois que j’avais devant moi avant de terminer ma plaquette pour amasser un maximum d’informations et pour me préparer.

Je me suis renseignée sur différents sujets : des témoignages de personnes ayant arrêté la pilule, mais aussi des informations sur les hormones, le déroulement du cycle menstruel et les facteurs qui pouvaient le perturber, sur l’alimentation (comment aider son corps, comment prévenir et calmer les douleurs et autres inconvénients du cycle), les tisanes, sur les différents moyens de contraception (pour préparer mon retour en métropole) … J’étais avant tout à la recherche de solutions naturelles. J’y ai découvert des comptes intéressants, comme @holyfoodandchill, naturopathe réunionnaise spécialisée (entre autres) dans l’accompagnement des troubles du cycle féminin, ou encore @emancipees, qui est un peu plus axé fertilité mais qui aide quand même beaucoup à comprendre son cycle. J’ai aussi lu l’ebook Détoxification holistique de l’utérus de Doris Volnay qui comporte une quarantaine de pages de conseils, rituels et méditations pour apaiser son utérus. C’est au cours de ces recherches que j’ai découvert la symptothermie.

La symptothermie, qu’est-ce que c’est ?

La symptothermie est une méthode d’observation du cycle menstruel fondée sur le suivi de différents paramètres : la température d’une part, et la glaire cervicale (principalement, mais aussi différents symptômes physiques) de l’autre. C’est donc une méthode 100% naturelle, on ne fait que regarder ce qui se passe, le but étant de repérer l’ovulation.

Si l’observation des facteurs physiques est connue depuis un moment déjà et a souvent été montrée du doigt pour son inefficacité, c’est la combinaison des deux facteurs principaux (température et glaire cervicale) qui font la fiabilité de cette méthode.

La symptothermie peut donc être utilisée de 3 manières différentes :

  • Pour simplement observer son cycle, savoir où on en est, vérifier que tout se passe bien au niveau de son corps, repérer les moments du cycle où on a tel ou tel symptôme (ce qui peut donner un indice sur un potentiel trouble hormonal et le traiter plus facilement), prévoir l’arrivée de ses règles…
  • Comme méthode de contraception naturelle. Une femme n’est fertile que pendant 5 à 10 jours de son cycle. Dès lors que l’on repère l’ovulation et la fenêtre de fertilité (qui s’étend en général entre 6 jours avant l’ovulation et un jour après), on sait que le reste du temps on n’est pas fertile ! Cette méthode a une efficacité en conditions réelles de 98%, ce qui est plus élevé que pour la pilule (souvent oubliée ou mal prise en réalité). Attention cependant, cette méthode demande de la pratique !
  • Comme méthode d’aide à la conception. Là aussi, on repère l’ovulation pour savoir notre fenêtre de fertilité qui correspond donc au bon moment pour concevoir un enfant.

Comment ça marche ?

Tout d’abord, la symptothermie n’est malheureusement pas compatible avec des méthodes de contraception hormonale (pilule, implants, stérilets hormonaux) qui ne font que simuler le cycle et bloquent l’ovulation : vous ne pourrez donc rien observer.

Sinon, tout ce dont vous avez besoin, c’est :

  • Un thermomètre basal. Il indique la température plus précisément car affiche 2 chiffres après la virgule. C’est essentiel car les variations de température du cycle sont faibles.
  • Un calendrier et un carnet ou bien une application pour noter vos observations. Personnellement, j’utilise @moonly_app, car elle est gratuite et plutôt bien faite.
  • Vous !

La méthode et simple : tous les matins, au réveil (et avant de trop vous agiter sinon vous risquez de fausser les données), vous prenez votre température, et tous les soirs, vous faites vos observations.

On peut donc observer :

  • La texture de la glaire cervicale (c’est un mucus produit par le col de l’utérus). Son observation est obligatoire pour la méthode, les autres paramètres sont optionnels mais aident parfois à la confirmation de l’ovulation.
  • Le ressenti interne de notre vagin (s’il est plutôt humide ou plutôt sec)
  • L’ouverture, la position et la dureté du col de l’utérus (oui, grande découverte, on peut voir ça soi-même !)

Mon retour d’expérience avec la symptothermie

Alors, oui, une chose est sûre, il faut un minimum être à l’aise avec son corps. Il faut aussi prendre l’automatisme de mesurer sa température tous les matins, mais ce n’est pas plus difficile que de se rappeler de prendre sa pilule tous les soirs (d’autant plus qu’on peut paramétrer des notifications de rappel avec l’application Moonly). 

Ce qu’il faut aussi savoir, c’est qu’après un arrêt de la pilule, les règles peuvent mettre du temps à revenir et à se régulariser. C’est comme sortir une vieille voiture qui n’a pas roulé depuis longtemps. Pour ma part, j’ai mis plus de deux mois à avoir mes premières règles. Je viens de valider ma 3e ovulation (en 5 mois) et mes cycles, même s’ils se raccourcissent, sont encore plus longs que la norme. C’est assez frustrant au début, parce que l’ovulation ne vient pas alors qu’on commence à voir des signes de fertilité. 

Mais finalement, quand on la valide alors qu’on n’y croyait plus, on se rend compte que chaque fausse alerte est une tentative de notre corps pour relancer la machine, et finalement c’est assez incroyable de pouvoir l’observer.

Sur d’autres aspect, j’ai toujours quelques douleurs de temps en temps mais elles sont beaucoup moins intenses qu’avant. J’ai aussi eu un petit peu plus d’acné au début, ce qui est également rentré dans l’ordre. J’ai beaucoup plus de sensations dans mon corps, comme s’il me parlait, qu’il était beaucoup plus réactif : il m’arrive d’avoir des mini crampes au moment de l’ovulation et parfois dans mon cycle (je n’ai pas encore repéré quand exactement) j’ai une sensibilité au niveau des seins, ce qui ne m’était jamais arrivé avant ; en revanche, ma libido a augmenté (particulièrement autour de l’ovulation), je n’ai plus de sécheresse (bien au contraire !), 

Mais surtout, j’ai appris énormément de choses, que ce soit sur ma propre anatomie ou du savoir de base sur les cycles, et je trouve ça assez dingue d’apprendre tout ça à 27 ans en 2022. Pour moi, toutes les femmes devraient avoir accès à ce savoir, parce que c’est tellement important. On envisage notre cycle et notre corps d’une autre façon, on se rend compte que, si on apprend à le connaître et si on en prend soin, notre corps nous le rend bien.